Finances d’Hillsong France : le pire reste-t-il à venir ?
Quelqu’un a commenté “trésorier fictif” après le témoignage de Zachée, mais le voici, en chair et en os. Et les calculs ne sont pas bons.
Suite et fin de notre décryptage de la soirée Cœur & Âme du début de l’été avec la courte intervention du trésorier de l’association cultuelle Hillsong France : Thierry Noutsa. Oui, Thierry Noutsa existe bel et bien, contrairement à ce que supposaient certains d’entre vous ! Il a eu l’honneur de présenter un bilan trèèèèèèès simplifié des finances de l’église. On fait le point sur les informations qui N’ONT PAS été données durant cette présentation de l’état des finances de l’église. Les années glorieuses de l’église Hillsong France sont clairement révolues.
Au sommaire de cet article qui boucle un chapitre de mon enquête sur la gouvernance de Hillsong France :
Applaudissons Thierry Noutsa, en chair et en os
Les experts de la comptabilité et de la finance rongent leur chapeau
Les résultats financiers dans le rouge pour l’année 2021
Une explication douteuse des années d’exercice
Blâmer l’absence des touristes pour la baisse des dîmes et offrandes, SRSLY ?!
Deux informations majeures laissées de côté
Surveiller de près les dépenses de l’église
Précédemment, dans votre “Telenovela” préférée : Zachée, l’ex-employé du département finances de l’association cultuelle Hillsong France, nous apprenait que les inspecteurs des Finances publiques ne parvenaient pas à entrer en contact avec le trésorier de l’association, Thierry Noutsa, dans le cadre de leur enquête. « Il n’a jamais pris part aux rapports concernant les finances de l’église, clamait Zachée, beaucoup de membres du staff pensent qu’il n’est là que pour les apparences. »
Applaudissons Thierry Noutsa, en chair et en os
C’est pourtant Thierry Noutsa, membre du Conseil d’Administration de l’église et trésorier, qui se tient devant la congrégation au moment de la soirée Cœur et Âme. D’une voix un peu hésitante, il s’apprête à présenter le bilan financier de l’église, une information qui se faisait longuement attendre. « Jusqu’en 2019, on publiait les résultats financiers de l’église, mais nous avons fait une pause depuis 2020 » déclare l’homme d’affaires, mais nous n’aurons pas plus d’explication sur ce silence radio.
« Cette année, nous allons recommencer à publier les résultats sur le site de notre église » ajoute Noutsa. Nous sommes le 28 décembre 2023 : j’aimerais rappeler à notre trésorier qu’il n’a plus que trois jours pour tenir cette promesse ! D’après le rapport de 2019, les revenus de l’association cultuelle Hillsong France approchaient les 3 millions d’euros. Pour vous donner un ordre de grandeur, je vous ai listé ici quelques associations dont les revenus annuels sont équivalents :
La Fondation Abbé Pierre, qui lutte contre le mal-logement en France
La Fondation pour la Recherche Médicale
Le Secours Populaire, qui vient en aide aux personnes en situation de précarité
La Fondation Nicolas Hulot, qui œuvre pour la protection de l'environnement et le développement durable
Certes, il ne s’agit pas d’associations cultuelles, mais cela vous donne une idée de l’impact que l’on peut avoir avec des revenus équivalents, et je vous laisse imaginer ce que publierait la presse, si l’une de ces organisations venait à arrêter de rendre des comptes sur sa gestion financière. “Nous avons fait une pause” de trois ans, dans la transparence et la redevabilité qui est dûe à ses donateurs, me semble être une déclaration problématique que personne n’a relevé dans l’assemblée.
Les experts de la comptabilité et de la finance rongent leur chapeau
Ceux qui suivent mon blog assidûment savent que Zachée, ancien salarié du service finances, et d’autres membres du staff de Hillsong France ont constaté un rapport erroné lors du rassemblement Cœur & Âme du début de l’été 2023. Je me suis procuré les slides de la présentation de Thierry Noutsa, que j’ai reproduis ci-dessous à l’identique pour que vous puissiez en juger par vous-même.
« On a simplifié pour que cela soit compréhensible de tous, balbutie le trésorier, s’il y a des comptables ou des directeurs financiers dans la salle, ne nous blâmez pas. C’est pour que cela soit facile [à comprendre] pour tout le monde ! » Mon comptable a définitivement haussé les sourcils en voyant ces slides et il a même été rechercher tous les documents publiés sur la comptabilité d’Hillsong France (c’est une histoire pour un autre article). La présentation de quelques minutes de Thierry Noutsa se limite à deux slides.
Image : Slide de présentation des résultats financiers annuels
Celui-ci explique à l’assemblée que les produits d’exploitation désignent les revenus de l’association cultuelle : dons, recettes, bénéfices, produits financiers ; et les charges d’exploitation désignent les dépenses : locations de salles, salaires, charges sociales, etc. Le résultat de l’exercice de l’année est calculé par la soustraction des charges d’exploitation aux produits d’exploitation :
Les résultats financiers dans le rouge pour l’année 2021
Le trésorier ne le précise pas, mais de ce que je comprends de ce tableau : si les résultats financiers de 2022 étaient en attente de certification en 2023, c’est que l’intitulé de l’année sur le tableau désigne la date où les résultats financiers sont déposés, et non pas l’année concernée par l’exercice. Ainsi, la colonne 2020 fait le bilan de l’année 2019, et la colonne 2021 fait le bilan de l’année 2020.
Sur la présentation de Noutsa, les résultats de l’exercice de l’année 2022 de Hillsong France sont entre parenthèses, car les comptes de l’année 2021 étaient encore en cours de certification par le Commissaire aux comptes. Je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui, j’ai sollicité EY, le cabinet en charge de certifier les comptes de Hillsong France, il y a quelques jours, pour obtenir quelques clarifications.
EDIT : Merci aux lecteurs attentifs qui m’ont informée que les parenthèses signifient un chiffre négatif en comptabilité :)
Il manque toutefois un signe de soustraction (-) devant le chiffre des résultats, car effectivement, comme le précise le membre du Conseil d’Administration : pour la première fois dans le bilan de 2022, les résultats de l’exercice de Hillsong France en 2021 étaient négatifs. Les dépenses de l’organisation ont été plus élevées que les revenus.
Je n’ai aucun moyen de vérifier les chiffres présentés par Thierry Noutsa, trésorier de l’association cultuelle Hillsong France, car il n’y a pas eu de rapport de gouvernance financière depuis celui de 2019, portant sur l’année 2018. Étant créative, je ne suis pas non plus une experte des chiffres, mais les explications de Noutsa me semblent pour le moins vaseuses.
Je ne suis pas en train de soupçonner des opérations frauduleuses de la part de l’église Hillsong, dont la Maison-mère à Sydney est accusée de malversations financières, mais je pointe du doigt un manque de transparence inacceptable, compte tenu des montants affichés sur cette présentation.
Une explication douteuse des années d’exercice
Thierry Noutsa explique la baisse de 7% des produits d’exploitation sur le bilan de 2020 par les confinements, mais les chiffres portent en principe sur l’année 2019, une année riche en événements affichant complet et en bonnes nouvelles pour l’église Hillsong France. Je le sais, car j’ai édité une vidéo sur les moments de forts de l’année 2019.
D’autant plus que même si la période Covid a pu affecter les revenus de l’église par la baisse des dîmes et offrandes, le bilan financier aurait aussi dû prendre en compte des économies notables sur les locations de salle. Il n’y a pas eu de rassemblement physique pour Hillsong France entre février 2020 et avril 2021 et les locations sont le premier poste de dépense du budget de l’église. La hausse des charges d’exploitation en 2020 dans le bilan de 2021 est donc étonnante.
Blâmer l’absence des touristes pour la baisse des dîmes et offrandes, SRSLY ?!
Thierry Noutsa invite l’assemblée à applaudir le travail du service Finances régulièrement, mais certains de ses arguments ne font pas honneur à la rigueur à laquelle le service nous a habitués au fil des années. « La baisse constante des résultats financiers [constatée depuis le bilan de 2020] s’explique par la baisse des dîmes et offrandes » amorce le signataire de nos reçus fiscaux. Plusieurs articles de presse expliquent que les dons aux association en France n’ont pas été impactés par la crise COVID, au contraire, les gens ont même davantage donné d’après les chiffres du gouvernement. S’il faut trouver un coupable pour cette baisse des dîmes et offrandes, il faut le chercher ailleurs.
L’explication du trésorier est pour le moins surprenante : « À cause du Covid, la part des touristes qui donnent a disparu, ce qui rend le résultat de l’exercice négatif en 2021. » Croyez-moi, la part des touristes de passage dans les congrégations de Hillsong France n’est pas assez conséquente pour affecter à ce point les dîmes & offrandes. D’après les chiffres de la mairie de Paris en début d’année 2023, la part de touristes a retrouvé une répartition similaire à celle d'avant-Covid, et leurs dépenses moyenne sont même supérieures à la période pré-Covid.
Deux informations majeures laissées de côté
Thierry Noutsa se veut ressurant devant la congrégation : « Le déficit [du bilan 2022 sur l’année 2021] avait déjà été anticipé et il est d’ailleurs inférieur à ce que nous avions calculé ». Cette partie est difficilement plausible, maintenant que nous savons que le raisonnement derrière la gestion financière de l’église n’est pas complètement logique. Le trésorier mentionne l’existence de fonds propres de près de 2 millions pour absorber le déficit. En d’autres termes, Hillsong France avait de l’argent de côté pour palier le déficit.
Ce que Noutsa ne dit pas, c’est comment est-ce que ces fonds propres vont être affectés par l’achat de parts du théâtre 13ème Art, où se rassemble l’église depuis 2021 ? Cet achat ne semble d’ailleurs avoir impacté les charges d’exploitations de l’église que d’une légère hausse. Cet achat de parts n’est mentionné nulle part dans les slides de Thierry Noutsa.
Image : Slide de présentation des charges et produits d’exploitation
La répartition des dépenses des budgets telle que présentée par le membre du Conseil d’Administration est aussi étonnante. La hausse de 13% des charges d’exploitation dans le bilan de 2020 sur l’année 2019 est liée à « la décision de garder l’ensemble du staff pendant les confinements » révèle Thierry Noutsa. Je crois qu’il veut en fait parler de la hausse de 4% des charges d’exploitation dans le bilan de 2021 sur l’année 2020. Néanmoins, je ne comprends pas comment le fait de ne pas licencier de salariés n’est pas compensé par le fait de ne pas dépenser d’argent en location de salle. Encore une fois, je ne suis pas une experte, mais la logique de ces calculs m’échappe.
D’après la slide sur la répartition des dépenses des budgets, la part des salaires du staff est à peu près constante : environ 43% du budget de fonctionnement dans les bilans de 2020 à 2022, mais au moins 20 salariés ont quitté l’organisation entre 2020 et 2023, malgré « la décision de garder l’ensemble du staff pendant les confinements ». La plupart d’entre eux n’a pas été remplacée. Comment ces chiffres n’ont-ils pas été affectés par la vague de départs ? Ceux qui sont restés ont-ils bénéficié d’augmentation de salaires ? Les quelques nouvelles embauches ont-elles obtenu des salaires plus élevés que les autres ?
Surveiller de près les dépenses de l’église
Quelle stratégie adopter face aux résultats négatifs du bilan financier de 2023 ? La réponse du trésorier de l’association cultuelle n’est pas très convaincante. « Nous constatons une baisse de nos dîmes et offrandes et nous restons méticuleux sur nos charges d’exploitation » déclare Thierry Noutsa. Encore une fois, la logique derrière ce raisonnement m’échappe.
Même si Hillsong France fait des coupes budgétaires pour ne plus être en déficit, il faut sans doute revoir la stratégie de levée de fonds de l’église et prendre en compte l’actualité. Les dons à l’église baissent, certes, mais pourquoi ? Est-ce que la congrégation a rétréci ? Les cultes de l’église ne sont plus complets, comme avant. Est-ce à cause d’une crise de confiance, comme le montrent les premiers résultats de mon questionnaire sur Hillsong France ? Est-ce dû à l’inflation record que l’on connait dernièrement ? Comment mieux communiquer avec la congrégation, qui rétrécit à vue d’œil ?
Et quitte à surveiller les dépenses de l’église, peut-on nous expliquer pourquoi la part du budget dédiée à la location immobilière est constamment en hausse depuis 2020 ? Encore une fois, Hillsong Paris à déménagé dans le 13ème arrondissement en 2021, après avoir acheté des parts du théâtre 13ème Art. Hillsong Paris a aussi réduit le nombre de cultes de 5 services à 2 services depuis le déconfinement.
Avant de conclure, Thierry Noutsa partage à la congrégation les chiffres réels du premier trimestre d’exercice de l’année 2023 et constate que « les dîmes et offrandes sont encore en baisse ». Selon mes informations, des coupes budgétaires sont en cours car le déficit est encore massif cette année. Plus de départs auront lieux dans les mois à venir au sein des salariés de l’église. Pour sauver les meubles, l’organisation Hillsong France a décidé de se séparer en priorité de collaborateurs qui ne sont pas pasteurs.
En conclusion
Cette présentation des finances de l’église par le trésorier de l’association cultuelle Hillsong France pose beaucoup de questions au lieu d’apporter de vraies réponses. « On peut se dire merci collectivement » réagit Thierry Noutsa, mais à quel sujet ? Sans doute pour la liberté que nous laissons à l’association cultuelle dans la gestion des millions d’euros qu’on lui confie chaque année.
Même en l’absence de rapport de gouvernance financière, les informations sur les budgets de l’église devraient être accessibles. D’après le trésorier de l’association, les budgets de l’église sont votés par le Conseil d’Administration dont il est membre, après avoir été présentés en assemblée générale. Cependant, le reste de la congrégation n’est pas convié à cette assemblée générale puisque seuls les 25 membres adhérents peuvent assister aux réunions d’assemblée générale. C’est une petite spécificité que conserve Hillsong France grâce à ses statuts.
Dans une autre association cultuelle en France, une grande majorité des membres de la congrégation sont aussi membres adhérents de l’association cultuelle et ont donc accès aux réunions d’assemblée, où sont présentés les budgets. Le secrétaire de l’association cultuelle dresse ensuite un compte rendu de ces réunions, qui est accessible aux membres de l’association. Cela permet aux gens de vérifier les chiffres et de chasser les petites incohérences.
Avec une fréquentation en berne et des dons en baisse, l’église Hillsong France a du souci à se faire. Finalement, après avoir vu la présentation de Thierry Noutsa au rassemblement Cœur et Âme, peut-être est-ce une bonne chose que les inspecteurs des Finances publiques n’aient pas réussi à mettre la main sur lui ? Le Conseil d’Administration peut-il nous dire quel était le but de cette intervention ? Je n’ai toujours pas de réponse de leur part malgré les faits graves que je relate sur ce blog.
Par contre, Thierry Noutsa, si tu me lis, j’aimerais discuter avec toi de reverser les dons que j’ai faits à l’église Hillsong vers une autre association, car la gouvernance de l’église a trahi ma confiance. #rendslargent
Je vous laisse avec ma vidéo récap de 2019 des moments forts de Hillsong France, car on a tous besoin de se souvenir des jours meilleurs.
Excelsior,
Tiavina Kleber
Soirée Cœur et Âme de 2023 : Le Conseil d’Administration prend la parole !
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