Joyeux Noël ! J’ai choisi de vous parler du péché de Sodome ! YAY !
Oui, je suis la fille qui met l’ambiance durant les repas de famille.
Sur les dizaines de versets bibliques qu’on ressort traditionnellement pour Noël, j’ai décidé que j’allais méditer avec vous un verset à propos de la ville de Sodome. J’aimerais aborder un sujet que l’on laisse parfois de côté dans le récit de Noël, c’est la question de l’hospitalité. Comme ce blog a commencé en attrapant par la veste une megachurch dont la baseline est “Bienvenue à la maison”, je me suis dis que cet article serait dans le thème.
Rappelez-vous que je ne suis pas pasteure, juste une humble citoyenne française de confession chrétienne, avec un blog.
Je suis souvent interpellée par l’effet Mandela autour du récit biblique de Sodome. L’effet Mandela, c’est le fait pour un groupe de personnes de se souvenir collectivement de quelque chose qui n’a jamais eu lieu. Ce phénomène doit son nom à cette actualité de 2013 : beaucoup de gens étaient surpris d’apprendre le décès de Nelson Mandela, qu’ils pensaient déjà mort en prison depuis les années 80. Pourtant, Mandela a bel et bien été libéré en 1990 et a même été élu président de l’Afrique du Sud en 1994. L’effet Mandela touche encore énormément de choses dans notre imaginaire collectif, dont une partie de l’histoire de la ville de Sodome dans la Bible.
Quel était le péché de Sodome ?
Sodome est une ville que Dieu a détruit par « le soufre et le feu », en même temps qu’une autre ville voisine, Gomorrhe. On attribue souvent la punition divine qu’a subi cette ville à la débauche et à la dépravation qui y régnaient. Le mot “sodomite”, qui en est dérivé, fait aujourd’hui référence à une pratique sexuelle condamnée par les principales religions monothéistes.
C’est là que se trouve l’effet Mandela : la plupart des gens pensent que l’histoire de Sodome dans la Bible est à propos de Dieu qui condamnerait, soi-disant, l’homosexualité des habitants de la ville. Il n’y a qu’à regarder l’article que CNEWS a fait sur le sujet. Pourtant, on parle très peu du “crime” pour lequel elle a véritablement été jugée, qui n’est pas l’homosexualité et qui est expressément décrit en Ezechiel 16:49 :
« Voici quel a été le crime de Sodome, ta soeur. Elle avait de l'orgueil, elle vivait dans l'abondance et dans une insouciante sécurité, elle et ses filles, et elle ne soutenait pas la main du malheureux et de l'indigent. » — Ezechiel 16:49
Le péché de Sodome était le manque d’hospitalité. Ce passage d’Ezechiel, qui pourrait être le synopsis du film Don’t Look Up (Adam McKay, 2021), décrit même parfaitement notre société occidentale. Nous continuons d’accumuler des richesses indécentes, sans nous soucier des dégâts que nous causons à notre environnement et aux autres pays du monde ; et malgré notre toute puissance, nous voyons le “malheureux” ou “l’indigent” comme une menace.
Que dit la loi immigration de notre hospitalité en tant que société ?
Le “malheureux” ou “l’indigent” de notre époque peut facilement être identifié comme le migrant, qui a dû quitter sa patrie parce que les puissances occidentales ont rendu cette planète presque inhabitable pour le reste du monde — que ce soit sur le plan économique, politique ou climatique.
Le sujet de l’immigration me touche particulièrement car je suis moi-même originaire de Madagascar, l’un des pays les plus pauvres du monde, une ancienne colonie française régulièrement secouée par des crises politiques, et le premier pays au monde à connaître une famine liée à la crise climatique. Immigrer en France en quête d’une vie meilleure n’aurait pas dû constituer un privilège pour mes parents, mais un droit inaliénable attaché au simple fait d’être humain.
Le sujet devrait aussi toucher particulièrement les chrétiens attachés à vivre selon les principes de la Bible : l’hospitalité est une valeur fondamentale aux yeux de Dieu et c’est bien le manque d’hospitalité de la ville de Sodome qui lui a valu d’être détruite. Alors que j’attire votre attention sur le verset Ezechiel 16:49 et l’importance de l’hospitalité, j’aimerais vous inviter à regarder cette vidéo à propos de la loi immigration, pour prendre conscience de ce que nous avons laissé arriver en tant que société française.
Pour certains, nous n’avons pas choisi ce virage radical à droite, mais en tant que citoyens français, nous sommes régulièrement invités à exprimer par le vote la direction que nous souhaitons prendre dans la gouvernance du pays. En ce sens, j’ai toujours considéré que nous avons une responsabilité de pleinement prendre part à la vie politique de notre nation.
En tant que chrétienne, je veux me positionner pour une nation française qui soutient la main du malheureux et de l’indigent (quelle que soit son origine, cf. l’histoire du bon Samaritain), et non pas une nation qui glorifie le patrimoine et le pouvoir, au détriment d’une grande partie de la population.
L’hospitalité au cœur du récit de Noël
Le récit biblique de la naissance de Jésus, bien que familier, recèle une dimension profondément contemporaine et pertinente. Marie et Joseph, les parents de Jésus, étaient en quête d'un refuge et leur histoire dans la Bible évoque les voyages périlleux des migrants d'aujourd'hui. Tout comme ces derniers, le couple a dû affronter des difficultés et de l'incertitude, cherchant désespérément un endroit sûr pour accueillir leur enfant dans un contexte de génocide1.
Le verset Luc 2:7 (NFC) parle de la naissance de Jésus dans une étable, mettant en lumière le manque d'hospitalité dont a souffert le Sauveur du monde, le même manque d’hospitalité que nous infligeons aux migrants contemporains.
« Elle mit au monde un fils, son premier-né. Elle l'enveloppa de langes et le coucha dans une mangeoire, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans la salle destinée aux voyageurs. » — Luc 2:7 (NFC)
Ce parallèle nous rappelle que, dans la Bible, l'hospitalité n'est pas seulement une vertu, mais un impératif moral. Cet appel biblique à l'hospitalité peut être approfondi dans les travaux de théologiennes comme Mercy Amba Oduyoye et Ivone Gebara, qui insistent sur l'importance de la solidarité envers les plus démunis et marginalisés (oui, il fallait que je mentionne des théologiennes, parce que je suis sûre que beaucoup de mes lecteurs ne lisent que des travaux de théologiens).
Image — Un meme qui m’a tristement fait sourire sur Threads : “La crèche des fachos : pas de juifs, pas d’arabes, pas de noir, pas de migrant, pas de barbu, pas de femme voilée.”
Impossible de ne pas adresser le conflit en Terre sainte entre Israël et le Hamas
À Bethléem, la ville de naissance de Jésus selon le récit biblique, les chrétiens palestiniens renoncent aux célébrations de Noël en solidarité avec leurs concitoyens gazaouis, massacrés par dizaines de milliers par le gouvernement Israélien. Même les chrétiens palestiniens qui ont cherché refuge au sein d’églises ont été la cible de tirs et bombardements de l’armée Israélienne. Une mère et sa fille ont d’ailleurs été assassinées par des snipers israéliens la semaine dernière dans l'enceinte de l'église de la Sainte-Famille dans la ville de Gaza.
Rappelons-le : Jésus était juif, mais aussi palestinien. Nous lisons dans la Bible son histoire dans un pays sous occupation romaine, une occupation violente qui fait écho à l’occupation que vivent les palestiniens aujourd’hui.
À Noël, nous sommes invités à réfléchir non seulement à la signification spirituelle de la naissance de Jésus, mais aussi à notre réponse aux défis humanitaires de notre temps. C'est une opportunité d'agir en cohérence avec les enseignements bibliques, en manifestant de la compassion et de l'hospitalité envers ceux qui sont en quête de refuge et de sécurité.
En accueillant l'étranger, nous accueillons Christ lui-même, comme le suggère Matthieu 25:35 : « J'étais un étranger, et vous m'avez accueilli. » C'est un appel à la solidarité et à l'action concrète, à l'image de ce que vivent tant de migrants à travers le monde.
Pour en revenir à l’histoire de Sodome dans la Bible, cela me rend perplexe qu’elle soit si souvent instrumentalisée pour amener les personnes queer à craindre l’enfer, mais pas les personnes racistes.
Je sais que ce billet de blog peut être clivant. J’ose espérer que vous me faites assez confiance pour considérer que mon point de vue est valable. Je terminerais à nouveau avec une citation de James Baldwin :
« Nous pouvons être en désaccord et toujours nous aimer les uns et les autres, sauf si ce désaccord en enraciné dans l’oppression, la déshumanisation et le droit d’exister [d’une population] » — James Baldwin
Et je vous donne RDV aux urnes et dans toutes les instances de contre-pouvoir pour lutter contre le manque d’hospitalité et les politiques racistes, fascistes, néocolonialistes d’extrême droite.
Joyeux Noël à tous,
Excelsior,
Tiavina Kleber
Dans l'évangile de Matthieu, on lit que le roi Hérode, apprenant qu'un nouveau roi était né à Bethléem, envoie tuer tous les enfants de moins de 2 ans qui vivent dans cette ville (Matthieu 2:16-18)