La place de la femme, c'est à la cuisine !
Fâchez-vous comme vous voulez, je m'en fous.
Tableau : Auguste Toulmouche - La fiancée hésitante (1866)
Purviance Mavoungou, pasteur congolais basé à Brazzaville, a fait le buzz avec une prédication où il revendique que la place de la femme est à la cuisine. Saviez-vous que certains grands penseurs chrétiens, auxquels on se réfère encore aujourd’hui, écrivaient le même type de bêtises ? La Bible est-elle à l’origine de la misogynie omniprésente dans le milieu chrétien ? Voici quelques pensées pour nourrir votre réflexion.
Vous avez dû voir passer cette vidéo sur les réseaux sociaux il y a quelques années. Un pasteur s’adresse à son assemblée galvanisée et adresse le sujet épineux de la place de la femme dans la société.
Je ne sais pas si tout le milieu évangélique va célébrer la journée internationale des droits des femmes, mais j’ai décidé de vous donnez quelques éléments pour alimenter les discussions inévitables sur le sujet. J’ai dû mal à comprendre comment les choses sont parties en vrille au sein de nos églises. Dieu n’a eu de cesse de réaffirmer la valeur des femmes. Celles-ci sont présentes dans la Bible, mais très peu d’entre elles sont explicitement nommées. La culture populaire et l’imaginaire collectif ont aussi créé une certaine confusion autour des histoires de certains personnages féminins dans les Écritures.
La Bible s’est-elle trompée à propos des femmes ?
Je sais que je n’aurai jamais la même lecture de la Bible que beaucoup de grandes figures de l’Église et ça ne me pose aucun problème. Je ne sais pas sur quel fondement biblique Purviance Mavoungou se base pour établir que ma place est à la cuisine. Je ne sais pas pourquoi le théologien Saint Thomas d’Acquin décrit la femme comme une erreur dans “Somme théologique”, un « homme manqué » et même « un être occasionnel et accidentel ». Je ne comprendrai jamais pourquoi Saint Augustin a écrit un jour dans “De Genesi Ad Litteram” :
« Je ne vois pas quel genre d’aide la femme peut-elle apporter à l’homme, en dehors de la procréation. Si la femme n’a pas été donnée à l’homme pour porter des enfants, quelle autre aide peut-elle apporter ? »
Les femmes sont pourtant bien plus que l’aide de l’homme dans les histoires de la Bible. Leur rôle ne se limite pas à être mère.
Du temps de Jésus, les femmes n’étaient pas l’égal de l’homme. Elles avaient le même statut qu’un esclave, elles n’avaient pas les mêmes droits que les hommes, ne pouvaient pas jouir de la même liberté et ne bénéficiaient pas d’un siège à la table “atteindre et influencer le monde”. Pour autant, lorsqu’on lit les Évangiles, Jésus a eu une démarche inclusive vis à vis des femmes. Il n’opérait aucune distinction entre homme et femme, Il considérait les deux comme égaux. C’est ce que le dictionnaire appelle aujourd’hui le féminisme : une doctrine qui préconise l’égalité entre homme et femme.
Le rôle crucial des femmes dans la Bible
Jésus est même allé plus loin, il a enfreint de nombreuses règles culturelles et sociales pour inclure les femmes et les valoriser dans son ministère. C’est le cas en Jean 4:7-39 lorsqu’il discute avec la femme samaritaine. Celle-ci s’est ensuite illustrée comme une prédicatrice d’exception puisque la Bible précise à son sujet : « Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus à cause des paroles de la femme. »
En 2024, la place de la femme dans le ministère est toujours une question qui suscite de vives polémiques, mais les femmes étaient déjà des disciples de Jésus dans les Écritures. Jésus les prenait tout autant au sérieux que les hommes. On apprend même en Luc 8:3 que le ministère de Jésus était financé par des femmes.
Stigmatisée pour ses mœurs légères, la femme samaritaine est pourtant la première personne à qui Jésus se révèle comme étant le Messie, au détour d’une conversation théologique. Ce ne sera pas la dernière fois que Jésus prendra le temps d’enseigner à des femmes, alors que celles-ci n’ont même pas le droit à l’Éducation. On se souvient de l’histoire de Marthe et Marie (Luc 10:38-42), dans laquelle Marie a choisi la meilleure part : celle de se détacher de son rôle social pour recevoir l’enseignement de Jésus. Ces histoires nous paraissent anodines, à nous lecteurices du nouveau millénaire, mais il s’agissait à l’époque d’une véritable révolution.
Cela n’explique pas pourquoi les femmes sont si peu représentées dans la Bible, rédigée et compilée par des hommes. La plupart d’entre elles n’y est même pas explicitement nommée. Dans le contexte socioculturel où se sont déroulés les événements de la Bible, les femmes ne sont pas considérées comme des personnes, mais dans le contexte de la domesticité : elles appartiennent à un foyer.
Cette absence notoire d’identifications entraîne souvent des erreurs de lecture ou d’interprétation des textes bibliques. C’est le cas à propos de la confusion entre plusieurs femmes appelées “Marie” dans la Bible. De la même manière, on confond souvent la femme qui répand de l’huile sur la tête de Jésus (Luc 7:37-50) et celle qui répand du parfum sur Ses pieds et les essuie avec sa chevelure (Marc 14:3-9).
Même si elles ne sont pas toujours nommées, comme la Samaritaine, les femmes occupent une place centrale dans le ministère de Jésus. À nous de les redécouvrir et de se débarrasser du bullshit de la purity culture, à l’heure où les violences contre les femmes et le sexisme continuent d’augmenter en France.1
Excelsior,
Tiavina Kleber

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